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La canne ou le chien...

Olivia et Patty en vacances au Portugal
Après avoir utilisé une canne blanche pendant plus de vingt ans, je vais tenter d'expliquer ici ce que m'a apporté le chien guide pour mes déplacements.

Avec la canne blanche seul le sol existe, sans l'oreille et le cerveau ce serait le vide. Grâce à l'acoustique (réverbération des sons sur les parois environnantes) je peux me faire une représentation mentale de l'endroit où je me trouve ce qui me permet une orientation dans l'espace. Je peux ainsi suivre ma progression le long d'un mur et détecter les décrochements (entrées d'immeubles, croisements...). On comprendra que, pour que les oreilles puissent percevoir ces détails, il faut que le bruit environnant soit modéré. De ce fait les déplacement à la canne nécessitent une grande concentration.


Patty évite les poubelles et autres détritus Avec mon chien, je dois bien sûr savoir où je me trouve, connaître le trajet que je veux effectuer tandis que Patty obéit aux différents ordres (à gauche, à droite, cherche la porte...) tout en évitant ou me prévenant de l'existence de tous les obstacles se trouvant sur mon chemin. Ces obstacles sont de nature variée : au sol (marches, trous, tuyaux en travers du passage...), les obstacles immobiles (bornes, poubelles, jardinières de plantes, deux-roues garés sur les trottoirs...) mais aussi les obstacles mobiles que sont les passants.

l'accès au passage protégé est obstrué par une moto garée sur le trottoir Ainsi, guidée par mon chien, j'ignore, le plus souvent, la nature et l'existence même des obstacles se trouvant sur ma trajectoire. Le même trajet effectué avec la canne modifie la représentation clémente que je me faisais du paysage urbain : en effet, je fais de multiples rencontres imprévues ( poteaux, jardinières de plantes, poubelles, pancartes de restaurants ou autres) qui ralentissent d'autant mon allure de marche, sans parler du revêtement du sol qui, trop rugueux ou irrégulier gêne le mouvement de balayage et peut laisser inaperçus des obstacles de très petite taille qui peuvent, cependant, faire trébucher et entraîner une chute. De même la neige ou les feuilles mortes empêchent la détection d'obstacles, mais modifient aussi l'acoustique qui permet de s'orienter avec la canne.

La multitude des obstacles risque de me désorienter lorsque ces obstacles se trouvent au milieu d'un espace trop vaste pour offrir des repères me permettant de me situer exactement. Ma trajectoire peut s'en trouver déviée ce qui fait que j'ai du mal ensuite à atteindre mon but. Que de fois me suis-je perdue dans la station Châtelet (vaste station offrant de multiples correspondances entre des lignes de métros et RER), où, après avoir contourné un groupe de voyageurs, je ne me suis pas rendue compte que j'avais dévié de ma trajectoire !

il suffit de suivre avec la main la patte du chien pour trouver le composteur Depuis que je circule avec Patty, je ne me perds plus car le chien qui mémorise les trajets me conduit immédiatement vers les composteurs qui mènent à la correspondance que je dois prendre ; j'arrive donc toujours à bon port. De plus la disparition des repères sonores (bruits de travaux, orchestres de rue, son de gyrophares...) s'ils sont gênants lors du déplacement avec une canne blanche, n'affecte pas le travail du chien. Avec la canne, il faut également prendre en compte les passants qui, pressés, ne la voient pas toujours et peuvent trébucher ; je ne compte plus le nombre de cannes ainsi brisées, m'obligeant à en avoir constamment une seconde dans le sac pour le cas où...

Une voiture manoeuvre sans faire attention. Patty s'est arrêtée Lors des trajets, le chien doit savoir calculer le passage nécessaire pour lui et pour son maître. Si un obstacle se trouve sur le trottoir, le chien doit évaluer l'espace pour décider par quel côté il faut le contourner sans danger pour son maître, et sans avoir à faire demi-tour un peu plus loin. Au besoin, si le passage est délicat, le chien ralentit l'allure et s'assure, tandis qu'il continue la progression, que le maître passe sans problème.

Il n'en va pas de même avec la canne blanche. Sans cesse concentré sur son trajet et sur tous les obstacles rencontrés par la canne, on doit chercher soi-même comment les contourner au risque de s'engager du mauvais côté et devoir faire demi tour pour passer de l'autre côté.

Le chien a également appris à éviter les obstacles en hauteur, il doit évaluer que, si lui peut passer en dessous, son maître, lui, pourrait être heurté. C'est le cas de certains feux de circulation à hauteur de visage, des chicanes à hauteur du thorax... En revanche, la détection des obstacles à la canne a ses limites. Une perception d'obstacle par l'extrémité qui balaie la surface devant soi donne une bonne distance de freinage. Mais plus haut se situe le contact , plus proche est l'obstacle. A partir de 1 mètre et au dessus, la canne est inefficace et l'obstacle n'est perçu qu'à l'impact du corps où même du visage (panneaux suspendus où fixée par un seul pied central, porte de camion ouverte dépassant sur le trottoir...). Il va sans dire que la concentration exigée par l'utilisation de la canne laisse peu de place à d'autres préoccupations ou rêveries.

Patty indique la première marche de l'escalier Si le chien doit veiller à la protection de son maître dans les parcours, il a également la tâche de le conduire à l'endroit demandé. Ainsi, je ne passe plus mon temps à chercher la bouche de métro située au milieu d'une place, je n'ai qu'à demander "cherche le métro" et Patty m'y mène par la voie la plus directe. Il en est de même pour les arrêts de bus, les portes, les escaliers (montants) différenciés des descendants dans le vocabulaire par les termes "cherche l'escalier ou la descente". Sans que j'aie à chercher les passages piéton en tâtant le bord des trottoirs avec ma canne, je n'ai désormais qu'à demander "cherche les lignes devant, ou à droite ou à gauche..."

Si je veux poster mon courrier, plus besoin de balayer le mur de la main pour chercher la boîte aux lettres, je demande "cherche la lettre", et Patty pose ses pattes sur la boîte. Il en va de même pour les composteurs, les guichets, les distributeurs de billets, et tout autre apprentissage plus spécifique à chacun. Ainsi, je lui ai appris à m'indiquer où se trouvent les digicodes ou sonnettes en lui demandant "cherche le bouton".

Pour repérer un siège vacant, plus besoin de demander à une bonne âme, Patty m'y mène et pose sa tête sur l'assise libre.

Voici donc quelques exemples de base que chacun peut enrichir selon ses besoins.

En suivant la direction de la tête de Patty, Olivia saura exactement où s'assoir

Ce qui est formidable, c'est que je peux même rêver dans le métro car, pour les trajets qu'elle connaît, Patty se lève d'elle-même à la bonne station, c'est tout juste si certaines personnes ne pensent pas que le chien sait lire!

L'accès à l'autonomie

Depuis que je me déplace avec Patty je me sens moins seule, plus sûre de moi et ma démarche est plus naturelle. J'ai confiance en elle, je sais qu'elle est capable de me signaler les situations dangereuses pour moi et de me désobéir si cela s'avère nécessaire. Je me déplace sans appréhension dans des lieux inconnus, je peux m'aventurer à modifier ma trajectoire dans le cas où des travaux m'empêchent d'emprunter mon chemin habituel... le nombre de mes trajets s'est considérablement accru, et, ne me sentant plus dépendante de bonnes âmes qui voudraient bien m'aider en cas de difficulté, j'hésite moins à demander des renseignements à mon prochain.

Bref, vous aurez compris que mon chien guide m'est devenu précieux et que, désormais, je ne vis plus du tout mes déplacements comme avant ; c'est un autre univers qui s'est ouvert à moi ! Non seulement j'ai le sentiment d'avoir nettement accru mon autonomie, mais encore mon rapport aux autres s'en est trouvé également modifié. Grâce à Patty j'ai une sensation de plus grande liberté ; il m'est poussé des ailes !

OLIVIA et sa chienne Patty

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